BIOGRAPHIE D’AIME CÉSAIRE

Aimé
CESAIRE est né le 26 juin 1913 au sein d’une famille nombreuse de
Basse-Pointe, commune du Nord-Est de la Martinique, bordée par l’océan
Atlantique dont la « lèche hystérique » viendra plus tard rythmer ses
poèmes. Le père est un petit fonctionnaire. La mère est couturière.
Aimé
CESAIRE, élève brillant du Lycée Schoelcher de Fort-de-France, poursuit
ses études secondaires en tant que boursier du Gouvernement Français au
Lycée Louis Le Grand, à Paris. C’est dans les couloirs de ce grand
lycée Parisien que, dès son arrivée, le jeune CESAIRE rencontre Léopold
Sédar SENGHOR, son aîné de quelques années qui le prend sous son aile
protectrice.
Au contact des jeunes Africains étudiants à Paris,
Aimé CESAIRE et son ami Guyanais Léon Gontran DAMAS, qu’il connaît
depuis le Lycée Schoelcher, découvrent progressivement une part refoulée
de l’identité martiniquaise, la composante africaine dont ils prennent
progressivement conscience au fur et à mesure qu’émerge une conscience
forte de la situation coloniale. En septembre 1934, CESAIRE fonde avec
d’autres étudiants Antillo-Guyanais et Africains (Léon Gontran DAMAS,
les Sénégalais Léopold Sédar SENGHOR et Birago DIOP), le journal
l’Etudiant noir. C’est dans les pages de cette revue qu’apparaîtra pour
la première fois le terme de « Négritude ». Ce concept, forgé par Aimé
CESAIRE en réaction à l’oppression culturelle du système colonial
français, vise à rejeter d’une part le projet français d’assimilation
culturelle et d’autre part la dévalorisation de l’Afrique et de sa
culture, des références que le jeune auteur et ses camarades mettent à
l’honneur. Construit contre le projet colonial français, le projet de la
négritude est plus culturel que politique. Il s’agit, au-delà d’une
vision partisane et raciale du monde, d’un humanisme actif et concret, à
destination de tous les opprimés de la planète. CESAIRE déclare en
effet : « Je suis de la race de ceux qu’on opprime ». Admis à l’Ecole
Normale Supérieure en 1935, CESAIRE commence en 1936 la rédaction de son
chef d’œuvre, le « Cahier d’un Retour a u Pays Natal ». Marié en 1937 à
une étudiante martiniquaise, Suzanne ROUSSI, Aimé CESAIRE, agrégé de
lettres, rentre en Martinique en 1939, pour enseigner, tout comme son
épouse, au Lycée Schoelcher
En réaction contre le statu quo
culturel martiniquais, le couple CESAIRE, épaulé par René MENIL et
Aristide MAUGEE, fonde en 1941 la revue Tropiques, dont le projet est la
ré-appropriation par les Martiniquais de leur patrimoine culturel. La
seconde guerre mondiale se traduit pour la Martinique par un blocus qui
coupe l’approvisionnement de l’île par la France. En plus d’une
situation économique très difficile, l’Envoyé du Gouvernement de Vichy,
l’Amiral ROBERT, instaure un régime répressif, dont la censure vise
directement la revue Tropiques. Celle-ci paraîtra, avec difficulté,
jusqu’en 1943.
La guerre marque aussi le passage en Martinique
d’André BRETON. Le maître du surréalisme découvre avec stupéfaction la
poésie de CESAIRE et le rencontre en 1941. En 1944, BRETON rédigera la
préface du recueil Les Armes Miraculeuses, qui marque le ralliement de
CESAIRE au surréalisme.
Invité à Port-au-Prince par le docteur
MABILLE, attaché culturel de l’Ambassade de France, Aimé CESAIRE passera
six mois en Haïti, donnant une série de conférences dont le
retentissement sur les milieux intellectuels haïtiens est formidable. Ce
séjour haïtien aura une forte empreinte sur l’œuvre d’Aimé CESAIRE, qui
écrira un essai historique sur Toussaint LOUVERTURE et consacrera une
pièce de théâtre au roi Henri CHRISTOPHE, héros de l’indépendance.
Alors
que son engagement littéraire et culturel constitue le centre de sa
vie, Aimé CESAIRE est happé par la politique dès son retour en
Martinique. Pressé par les élites communistes, à la recherche d’une
figure incarnant le renouveau politique après les années sombres de
l’Amiral ROBERT, CESAIRE est élu Maire de Fort-de-France, la capitale de
la Martinique, en 1945, à 32 ans. L’année suivante, il est élu Député
de la Martinique à l’Assemblée Nationale.
Le Député CESAIRE sera,
en 1946, le rapporteur de la Loi faisant des colonies de Guadeloupe,
Guyane Française, Martinique et la Réunion, des Départements Français.
Ce changement de statut correspond à une demande forte du corps social,
souhaitant accéder aux moyens d’une promotion sociale et économique.
Conscient du rôle de la départementalisation comme réparation des dégâts
de la colonisation. Aimé CESAIRE est tout aussi conscient du danger
d’aliénation culturelle qui menace les Martiniquais. La préservation et
le développement de la culture martiniquaise seront dès lors ses
priorités.
Partageant sa vie entre Fort-de-France et Paris,
CESAIRE fonde, dans la Capitale française, la revue Présence Africaine,
aux côtés du Sénégalais Alioune DIOP, et des Guadeloupéens Paul NIGER et
Guy TIROLIEN. Cette revue deviendra ensuite une maison d’édition qui
publiera plus tard, entre autres, les travaux de l’égyptologue Cheikh
Anta DIOP, et les romans et nouvelles de Joseph ZOBEL.
En 1950,
c’est dans la revue Présence Africaine que sera publié pour la fois le
Discours sur le colonialisme, charge virulente et analyse implacable de
l’idéologie colonialiste européenne, que CESAIRE compare avec audace au
nazisme auquel l’Europe vient d’échapper. Les grands penseurs et hommes
politiques français sont convoqués dans ce texte par l’auteur qui met à
nu les origines du racisme et du colonialisme européen. Peu enclin au
compromis, Aimé CESAIRE, révolté par la position du Parti Communiste
Français face à l’invasion soviétique de la Hongrie en 1956, publie une «
Lettre à Maurice THOREZ » pour expliquer les raisons de son départ du
Parti. En mars 1958, il crée le Parti Progressiste Martiniquais (PPM),
qui a pour ambition d’instaurer un « type de communisme martiniquais
plus résolu et plus responsable dans la pensée et dans l’action ». Le
mot d’ordre d’autonomie de la Martinique est situé au cœur du discours
du PPM.
Parallèlement à une activité politique continue (il
conservera son mandat de Député pendant 48 ans, et sera Maire de
Fort-de-France pendant 56 ans), Aimé CESAIRE continue son œuvre
littéraire et publie plusieurs recueils de poésie, toujours marqués au
coin du surréalisme (Soleil Cou Coupé en 1948, Corps perdu en 1950,
Ferrements en 1960). A partir de 1956, il s’oriente vers le théâtre.
Avec Et les chiens se taisaient, texte fort, réputé impossible à mettre
en scène, il explore les drames de la lutte de décolonisation autour du
programme du Rebelle, esclave qui tue son maître puis tombe victime de
la trahison. La tragédie du Roi Chistophe (1963), qui connaît un grand
succès dans les capitales européennes, est l’occasion pour lui de
revenir à l’expérience haïtienne, en mettant en scène les contradictions
et les impasses auxquelles sont confrontés les pays décolonisés et
leurs dirigeants. Une saison au Congo (1966) met en scène la tragédie de
Patrice LUMUMBA, père de l’indépendance du Congo Belge. Une tempête
(1969), inspiré de Shakespeare, explose les catégories de l’identité
raciale et les schémas de l’aliénation coloniale. Pensant à l’origine
situer l’action de cette adaptation de Shakespeare aux Etats-Unis, il
choisit finalement les Antilles, gardant tout de même le projet de
refléter l’expérience noire aux Amériques.
Au total CESAIRE a
publié plus de quatorze œuvres, recueils des poésies, pièces de théâtre
et essais. De nombreux colloques et conférences internationales ont été
organisés sur son œuvre littéraire qui est universellement connue. Son
œuvre a été traduite dans de nombreuses langues : anglais espagnol,
allemand, etc.
SES ŒUVRES
ŒUVRES PRINCIPALES
  Œuvres complètes. (1. Poèmes ; 2. Théâtre ; 3 Œuvre historique et poétique).
éd. Desormeaux, Fort- de-France 1976, éd. Seuil, Gallimard, Présence Africaine.
POESIE
  Cahier d’un retour au pays natal. Paris : Présence Africaine, 1939, 1960.
  Soleil Cou Coupé. Paris : Ed. K, 1948.
  Corps perdu. (gravures de Pablo Picasso) Paris : Editions Fragance, 1950.
  Ferrements, Paris : Seuil, 1960, 1961.
  Cadastre. Paris : Seuil,1961.
  Les Armes Miraculeuses. Paris : Gallimard, 1970.
  Moi Laminaire. Paris : Seuil, 1982.
  La Poésie. Paris : Seuil,1994.
ESSAIS ET DISCOURS
  Discours sur le colonialisme. Paris : Présence Africaine, 1955.
  Lettre à Maurice THOREZ. Paris : Présence Africaine, 24 octobre 1956.
  La poésie un moyen de connaissance et de co-naissance : propositions poétiques, publié en Haïti en 1944.
  Toussaint LOUVERTURE ; La Révolution française et le problème colonial. Paris : Présence Africaine, 1961/62.
  Culture et colonisation, communication faite au 1er Congrès des Ecrivains et Artistes noirs en 1956, à la Sorbonne.
 
L’homme de Culture et ses responsabilités, communication faite au
deuxième Congrès des Ecrivains et Artistes noirs en 1959, à Rome.
  Discours sur l’Art Africain au Premier Festival Mondial des Arts nègres à Dakar en 1966.
  Discours sur la Négritude au colloque organisé par Carlos MOORE en 1987, à l’Université Internationale de Miami.
  Discours relatif à la commémoration du centenaire de l’abolition de l’esclavage à la Sorbonne en 1948.
  Discours d’accueil de François MITTERRAND, prononcé à la Mairie de Fort-de-France le 25 octobre 1974.
  Discours prononcé en l’honneur de la visite de Léopold Sédar SENGHOR à la Mairie de Fort-de-France le 13 février 1976.
THEATRE
  Et les chiens se taisaient, publiée en 1956 (tragédie).
  La Tragédie du Roi Christophe, publiée en 1963 (tragédie).
  Une Saison au Congo, publiée en 1966 (tragédie).
  Une Tempête, adaptation à La Tempête de Shakespeare, publiée en 1969 (une tragi-comédie ou romance).