LE SURRÉALISME


Formule introductive :
Le
mot ”surréalisme” est formé du radical ”réalisme” (lui-même
provenant de ”réel”) et du préfixe ”sur”. Rien qu’à partir de cette
décomposition, on peut se faire une petite idée de ce qu’est le
surréalisme. En effet, le surréaliste aime bien cette littérature du
réaliste du XIX ème siècle pour ce qu’elle a de vraiment ambitieux : la
représentation de la réalité. Mais ce que l’un reproche à l’autre, c’est
d’avoir oublié que la réalité n’est pas seulement composée de ce que
nous percevons par nos sens ; allant beaucoup plus loin que les
symbolistes, les surréalistes découvrent l’omission de ce qui est aussi
(et surtout) bien au-dessus du réel : le rêve produit par l’inconscient,
le surréel, cet ”automatisme psychique pur par lequel on se propose
d’exprimer […] le fonctionnement réel de la pensée”, cette ”dictée de
la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en
dehors de toute préoccupation esthétique ou morale”, comme disait André
Breton.
Entre autres auteurs phares de ce mouvement artistique,
nous pouvons citer Paul Éluard, Robert Desnos, Guillaume Apollinaire,
Philippe Soupault, Benjamin Péret… 
I. UNE RÉVOLUTION DE LA PENSÉE.
Le
XX ème siècle présente un bilan mi-figue mi-raisin. Même s’il est
indéniable que les progrès de l’homme sont notoires dans plusieurs
domaines, toutes ces guerres, toutes ces calamités naturelles, toutes
ces crises économiques… ont prouvé l’incapacité de l’humanité à faire
face à ses problèmes de survie, malgré les règles, les lois, les
traités, les conventions. En réaction contre cette incompétence, un
mouvement littéraire voit le jour en se montrant totalement
anticonformiste, voire révolutionnaire : le surréalisme.
Les
surréalistes sont donc des auteurs qui investissent ce terrain vague et
vierge de l’inconscient qu’aucun autre courant n’avait jamais encore
exploré et qui va alimenter, donner corps et forme à la supra réalité.
Par conséquent, n’ayant ni peur des questions sans réponses, ni de
l’absence de logique dans la formulation des agissements de la pensée,
le tout dans un style complètement libéré des contraintes et des
conventions, les surréalistes se donnent pour ambition de ne rien
refouler, pas même les penchants les plus fantaisistes. 
II. UNE RÉVOLUTION DES THÈMES.
√ Une nouvelle Trinité : le désir, le rêve, l’amour.
Cette
triptyque se présente sous des traits très paradoxaux et s’associe à
l’imaginaire du désir. Un auteur peut par exemple aimer la femme, non
pour ce qu’elle est, mais plutôt pour ce qu’elle aurait pu être, ou bien
pour ce qu’elle serait si elle avait été ceci ou cela. L’amour n’est
souvent vécu que de façon platonique ou idéale tout simplement. C’est ce
qui le rend d’ailleurs plus vivant, plus durable, plus sensuel.
√ L’engagement.
Face
au climat de dénégation du XX ème siècle, ou encore à l’occupation de
la France par le régime nazi, tous les surréalistes sont engagés mais à
des orientations différentes. Les uns sont foncièrement anticonformistes
par le style qu’ils refusent de conformer aux règles d’écriture
préétablies par la tradition balzacienne ou par l’héritage d’Aristote.
Les autres, plus près de la réalité, malgré tous les risques que cela
comporte, s’insurgent contre l’occupation en houspillant les Allemands
et en incitant le peuple français à la révolte pour libérer la patrie ou
pour dénoncer les horreurs de la guerre qui nous déshumanise.
III. UNE RÉVOLUTION DU LANGAGE.
√ La ponctuation.
Bien
souvent, la ponctuation est absente du texte surréaliste parce que,
sans elle, l’interprétation se démultiplie, varie, s’oppose et, selon la
sensibilité des lecteurs, l’énoncé, même paradoxal, devient plus riche.
La poésie devient alors le lien et le lieu magique où s’effectuent
toutes les réalités conflictuelles. Voici un exemple : un roi décide de
gracier ou pas une liste de prisonniers et écrit à côté de chaque nom :
”tuer pas pardonner”. Grâce à ou à cause d’une virgule, un prisonnier
peut vivre ou mourir, puisque la virgule peut aussi bien être placée
avant ”’pas” comme après ”pas”.
√ Les images.
Les
surréalistes aiment l’art de la provocation. Ils associent des comparés
et des comparants tout à fait originaux, voire fantaisistes parce que
les comparaisons obéissent désormais à la dictée automatique de la
pensée à l’état brut. C’est le cas des énoncés suivants : ”il y a un
homme coupé en deux par la fenêtre”, ”le monde rentre dans un sac”,
”la terre est bleue comme une orange”… Les surréalistes mettent donc
en rapport, de façon métaphorique, des réalités éloignées. Moins ce
rapport est évident, plus fort sera l’impact poétique, sans oublier
l’effet de surprise, d’étonnement ou d’enchantement.
√ Le cadavre exquis.
C’est
ce qu’on pourrait appeler le collage. Les surréalistes en jouent
volontiers, comme pour montrer que le surréalisme, c’est l’expression
d’un groupe. Un auteur crée sa phrase grammaticalement correcte et
demande à chacun des membres d’un groupe d’inventer, par remplacement,
des mots dont la nature et la fonction obéissent à la même structure.
Par exemple, à partir de la phrase suivante (”mon grand frère partira
tôt ce matin au champ”), on demande, à l’insu du groupe, de créer
chacun un mot grammaticalement remplaçable. On peut alors obtenir cette
phrase apparemment loufoque ”ma jolie mort tuera ce soir au paradis”. 
Le mot de la fin.
Le
surréalisme ne se propose plus comme projet une écriture d’aventures
(d’histoires traditionnelles, bien structurées) mais une aventure
d’écriture (un style nouveau, toujours porté vers l’avant). Le mouvement
”’dada”, le ”nouveau roman”, le ”roman de l’absurde” obéissent
tous à cette nouvelle tentation de l’art.