L’étude de ce domaine est destinée à nous rendre capable de développer une réflexion critique sur le beau, la nature de l’activité artistique, les problèmes posés par la création artistique, les formes, fonctions et significations de l’activité esthétique.
D’après HEGEL, c’est «BAUMGARTEN qui a donné le nom d’esthétique à la science des passions agréables à la théorie du beau». Ce terme désigne la réflexion critique de la philosophie sur l’art. C’est aussi la philosophie des beaux-arts. Du point de vue étymologique, le terme esthétique vient du grec «ailtheisis» qui signifie ce qui est perceptible par les sens. Par contre, l’art, selon LALANDE : «L’Art ou les Arts désigne(nt) toutes productions de la beauté par les œuvres d’un être conscient». L’art est toute activité humaine visant le beau.
Du latin «ARS» ou du grec «TECHNE», l’art est du savoir-faire, de la technique, du talent. Différent de l’esthétique, l’art est aussi de l’artisanat et de la technique. Au moment où ces derniers sont pratiques, utilitaires, l’art est désintéressé. A son origine, l’art ne servait à rien.
En plus, l’art requiert de la liberté. En effet, c’est une activité libre car la manière dont l’artiste l’exerce relève de sa subjectivité, de ses choix personnels, de sa responsabilité individuelle.
Pour aborder ce thème, nous évoquerons d’abord les rapports entre l’art et la nature. Partant de là, nous parlerons de la création artistique. Ensuite, nous engagerons une réflexion sur le beau. Et enfin, les fonctions de l’art seront abordées en rapport avec l’esthétique négro-africaine.
A. ART ET NATURE :
Figurer la nature a été pendant longtemps le but de l’art. Il a été ainsi du fait que reproduire textuellement la nature qui est une œuvre divine contenté à vrai dire humaine. Cette conception de l’art comme imitation ou «MIMESIS», nous la retrouvons aussi chez PLATON et chez ARISTOTE. Pour le premier, les artistes imitent des apparences. Le monde sensible qu’ils prennent pour modèle n’est que la copie dégradée du monde intelligible. A cet effet, l’art, sui fonctionne comme un mensonge voulu sur un mensonge donné, est doublement éloigné de la vérité. Pour cette raison, les autres, en tant qu’illusionnistes, sont à exclure de la cité idéale après avoir été honoré. A son tour, ARISTOTE considéra l’art comme imitation mais une imitation partielle. En fulgurant la nature, l’artiste y apporte toujours sa touche personnelle.
Contrairement à cette façon de concevoir le rapport entre l’art et la nature, HEGEL estime que le but de l’art est de TRANSGRESSER et non de recopier la nature. D’ailleurs, cette dernière est inimitable. C’est ainsi que l’art «MIMESIS» est comparable à un ver faisant des efforts pour égaler un éléphant. Les productions de la nature étant inférieures à celles de l’esprit, l’art n’a pas à imiter la nature. Ainsi, la «POESIS» doit se substituer à la «MIMESIS». C’est de ce point de vue que HEIDEGGER écrit : «l’œuvre d’art dit autre chose que la chose qui n’est que chose… elle allégorie».
Si l’art ne recopie pas la nature, il devrait tout de même nous la révéler. C’est dans cette mouvance que s’inscrivent PAUL KLEE et HENRI BERGSON. Pour le premier, «l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible». Ce qui rend visible existait au préalable mais ne faisait pas notre attention. Quant au second, il considère que l’art est dévoilement. Il l’est en ce sens qu’il nous permet d’avoir une vision plus directe de la réalité. L’art enlève tous les masques comme les mots qui nous empêchent d’être face à face à la réalité. La vision que l’artiste nous offre de la réalité n’est jamais superficielle, elle est plutôt profonde et directe. L’artiste dit les choses telles qu’elles sont et non telles qu’elles apparaissent. Voilà pourquoi tout le monde ne peut pas être artiste.
En somme, il y a un rapport dialectique entre l’art et la nature, souvent la seconde constitue le point de départ du premier. Mais encore le premier tente toujours d’aller au-delà de la seconde pour pouvoir faire œuvre de créativité.
B. LA CREATION ARTISTIQUE :
Du latin «CREATIO» (inventer, faire naitre), la création renvoie au fait de produire quelque chose à partir de rien. En créant, on fait passer quelque chose du non-être à l’être. Dans cette condition, la création semble être le propre de Dieu. Ce faisant, l’artiste ne serait qu’un recréateur dans la mesure où qu’il travaille sur des données qu’il n’a pas lui-même inventé. Mais, quoi qu’il en soit, l’artiste, de par ses combinaisons, est capable de faire apparaitre dans ses œuvres des éléments qui n’existaient pas au préalable dans la nature. En ce sens, il est bien possible de parler de création artistique d’autant plus que, même s’il s’inspire de la nature grâce à son talent, l’artiste produit autre chose que ce que la nature lui fournit.
Si nous prenons l’exemple d’un romancier, il a le pouvoir total et l’entière liberté de créer ses personnages, d’assurer la responsabilité de leur itinéraire et même s’il le veut de leur donner la mort. A cet effet, l’artiste est omnipotent, ce qui, d’une certaine manière, le rapproche de Dieu.
Tout art est la création d’un homme et tout homme est société. De ce point de vue, il est possible d’expliquer une œuvre d’art. C’est justement le sens de l’interprétation sociologique. Cette dernière explique l’œuvre d’art par ses conditions socio-économiques d’émergences (ex : Corneille, Balzac, Senghor, Césaire, Karl Marx).
Toujours dans le souci d’expliquer la source de la création artistique, FREUD fait appelle à la SUBLIMATION. Cette dernière signifie la conversion des passions animales sexuelles en activités socialement valorisées. A l’instar du rêve, l’œuvre d’art est aussi au moyen détourné par lequel l’artiste satisfait ses derniers inconscients et refoulés. C’est à cet égard que : «(…) les œuvres d’art, étaient les satisfactions imaginaires des désirs inconscients, tout comme les rêves, avec lesquels elles avaient d’ailleurs en commun le caractère d’être le conflit à découvert avec les puissances de refoulement».
Au regard de ces considérations, l’artiste doit savoir gérer son inspiration. A cet effet, ALAIN et HEGEL pensent que l’artiste est bel et bien conscient de ce qu’il fait et c’est à lui que revient le choix de la manière dont il le fait. ALAIN ajoute que le talent artistique relève plus du travail que du don.
Cependant, les sources de la création artistique peuvent-elles être dévoiler et exploiter ? Répondant à cette question, KANT écrit : «le créateur d’un produit qu’il doit à son génie, ne sait pas lui-même comment se trouvent en lui les idées qui s’y rapportent et il n’est en son pouvoir ni le concevoir à volonté ou suivant un plan de telles idées, ni de les communiquer aux autres dans des préceptes, qui les mettraient à même de réaliser des produits semblables». Quoi qu’on en dise et quelques soient les tentatives d’explications qui ont été fait à son sujet, l’acte de créer demeure encore mystérieux. Il est possible même que ce mystère soit ce qui fait le charme de l’œuvre d’art. Cette dernière vise toujours à produire le beau.
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C. QU’EST-CE QUE LE BEAU ?
La question du beau a été appréhendée de manière différente en fonction des époques, mais aussi des auteurs. Aussi, faudrait-il souligner que ce terme a toujours été défini par les philosophes selon que l’on se place du point de vue objectif, c’est-à-dire avec des critères, ou subjectif. C’est dire qu’avec cette interrogation, on se trouve à l’intérieur d’un problème récurrent en esthétique et qui date de l’antiquité.
En effet, la question avait été posée par SOCRATE au sophiste HIPPIAS MAJEUR. Celui-ci, par le fait qu’il s’en tenait à la diversité des choses sensibles, était incapable de produire une réponse satisfaisante. C’est ainsi qu’il termine sa tentative de définition par cet aveu d’impuissance : «les belles choses sont si difficiles». La difficulté réside selon PLATON, dans le fait que la beauté ne peut être déduite d’aucune chose du monde sensible (ni d’une belle jeune fille, ni d’une belle cavale, ni de l’or, etc.). Toute chose est donc de l’ordre du monde intelligible. Il s’agit là d’une beauté absolue, du beau en soi «qui fait que toutes les choses belles sont belles d’une certaine manière».
Toutefois, cette conception métaphysique du beau divorce d’avec celle des philosophes des lumières. En effet, au XVIIIe siècle, la question du beau va se poser autrement. Elle sera ramenée dans une dimension anthropologique. L’action sera mise sur le sujet contemplateur. Dès lors, la question sera désormais abordée sous l’angle de la subjectivité. C’est ainsi que la question platonicienne «qu’est-ce que le beau ?» va se substituer à celle-ci : «qu’est-ce que le jugement sur le beau ?» (KANT). Il ne s’agit plus de chercher l’idée du beau ou de déterminer les caractéristiques objectives de l’objet contemplé mais de rendre possible l’affirmation d’une beauté libre qui plait de manière immédiate et spontanée. C’est dans ce sens que KANT déclare : «le beau est ce qui est représenté sans concepts comme objet d’une satisfaction universelle ». Autrement dit, le beau peut avoir l’assentiment de tous sans passer par la médiation de la connaissance.
D. LES FONCTIONS DE L’ART :
1. Fonction magico-religieux :
C’est quand l’art a une dimension sacrée. Il fait appel à des êtres surnaturels pour régler des préoccupations sociales. De ce point de vue, ne peut être artiste que celui qui est initié. Il y a une absence de démocratisation de l’art.
2. Fonction thérapeutique :
C’est quand l’on permet de soigner un individu atteint de maladies psychiques (maladies mentales). Il sert à maintenir ou à rétablir l’équilibre psychologique des individus d’une communauté.
3. Fonction pédagogique :
C’est quand l’art, à travers les cérémonies rituelles, permet d’utiliser des masques pour transmettre les connaissances des anciens à la nouvelles génération.
4. Fonction sociale :
C’est lorsque les œuvres d’art sont des moyens de divertissement des individus d’une société pour former une cohésion sociale.
5. Fonction commémorative :
Il est le témoignage représentant des événements, des personnalités historiques (héros, rois, chefs, etc.). Sa finalité est de ressusciter les valeurs, les traditions, les guerres, les cérémonies etc.
6. Fonction de communication :
C’est quand l’art permet de transmettre des messages, des nouvelles, des connaissances. Ainsi, c’est à travers les outils spécifiques comme le tam-tam, les tambours,… que la communication entre villages, les entités sociales est effectuées.