INTRODUCTION.
S’il faut dresser une liste des dramaturges les plus en vue au XIX ème siècle, nous ne pouvons pas manquer d’y faire figurer Jean Anouilh en bonne place. En effet, ce talentueux dramaturge a marqué son temps de son empreinte par la diversité de ses pièces et la nouveauté de son style. Pour cerner cette étude faite sur lui, nous l’articulerons autour de quatre points : la vie et l’oeuvre d’abord, le résumé de la pièce ensuite et, avant de parler de la portée significative de l’oeuvre enfin, nous ne manquerons pas de faire le portrait des personnages les plus influents.
I. LA VIE ET L’OEUVRE.
1. La biographie (vie de l’auteur).
Jean Anouilh est un auteur dramatique en même temps que metteur en scène français dont le répertoire riche et varié mêle le classicisme des sentiments à la nouveauté de la forme théâtrale. Né à Bordeaux en 1910, il fit des études de droit à Paris puis travailla dans la publicité, avant de devenir le secrétaire de Louis Jouvet en 1928. Cette rencontre avec ce grand metteur en scène fut décisive dans sa volonté de se consacrer au théâtre où ses premières pièces suscitèrent l’adhésion d’un vaste public. Il mourut à l’âge de soixante-dix-sept ans, en 1987.
2. La bibliographie (oeuvres de l’auteur).
Ses premières pièces sont L’Hermine (1932), Le Voyageur sans bagages (1937) et La Sauvage (1938). Anouilh se révéla également doué pour la comédie grâce notamment au Bal des voleurs (1938). Sous l’Occupation, il donna deux adaptations modernes de la tragédie grecque (Eurydice, 1942 et Antigone, 1944) qui eurent un succès retentissant. Bien qu’il soit d’apparence classique, son théâtre comprend quelques-unes des oeuvres les plus modernistes du XX ème siècle : L’Alouette (1953), une adaptation de la légende de Jeanne d’Arc, Beckett ou l’Honneur de Dieu (1959) où, là encore, l’histoire est prétexte à une création originale. En outre, il est parfois considéré comme l’auteur d’un théâtre de distraction ; il donna effectivement des pièces de pur divertissement comme La Culotte (1978) ou encore Le Nombril (1981). Dénonçant sans cesse le mensonge social, il développa un vaste réquisitoire contre la famille, l’amour, l’amitié et tout ce qu’il considérait comme des idéaux naïfs, avant de se tourner vers un théâtre plus autobiographique où se réaffirmait cependant sa nostalgie d’une pureté inaccessible : Le Boulanger, la Boulangère et le petit mitron (1968), Les Poissons rouges (1970), Ne réveillez pas Madame (1970)…
II. LE RÉSUMÉ DE L’OEUVRE.
1. L’exposition.
L’exposition encadre d’habitude l’ensemble des premières scènes où règne la tranquillité. C’est aussi l’occasion, pour l’auteur, d’exposer la naissance du conflit qui servira de trame aux événements qui surviendront .
Dans Antigone, l’histoire commence à six heures du matin. Tout est tranquille mais la nourrice est inquiète parce qu’Antigone, la jeune fille dont elle a la charge, n’a pas passé la nuit dans sa chambre. Celle-ci apparaît pieds nus, salie par un peu de terre sur sa vilaine figure et ses petites mains. La nourrice la gronde. Elle se défend en disant qu’elle vient d’accomplir son devoir moral : enterrer son frère Polynice. Sa soeur Ismène, elle, avoue son manque de courage et son envie de vivre car on a interdit à quiconque (sous peine d’être enterré vivant) d’accorder une sépulture au cadavre de Polynice jeté sous le chaud soleil pour s’être battu à mort contre son frère aîné Étéocle.
2. Le noeud.
Le noeud correspond à une période de crise pendant laquelle la tension est tellement vive, la solution si invisible, les relations si tendues, qu’on ne sait plus quelle issue, quelle trajectoire la suite de la pièce va épouser.
Dans l’oeuvre, Antigone récidive en retournant auprès du corps de Polynice pour tenter à nouveau de lui offrir la sépulture qui sied à tout cadavre respectable. Cette fois, les gardes la surprennent, la mettent aux arrêts et la conduisent manu militari auprès du roi Créon. Celui-ci veut la sauver car elle est avant tout une citoyenne, qui plus est sa nièce et, mieux encore, sa future belle-fille, étant donné qu’elle est fiancée à son fils Hémon. Il lui promet de supprimer les gardes qui sont des témoins gênants, à condition qu’elle ne refasse plus la même bêtise.
3. Le dénouement.
Le dénouement regroupe l’ensemble des scènes où une issue au blocage commence à apparaître, qu’elle soit heureuse ou malheureuse.
C’est cette dernière trajectoire que la fatalité choisit pour Antigone. En effet, elle est obstinée dans sa ferme volonté d’enterrer son frère. La sentence sera exécutée après cette troisième tentative car elle sera enterrée vivante tel que l’a décidé le conseil des sages du royaume. Ismène aura du courage pour la première fois de sa vie puisqu’elle se suicidera, suivant sa soeur en enfer par cet acte fraternel. Incapable de supporter une vie sans sa bien-aimée, Hémon lui aussi décide de se donner la mort. C’est donc un triple deuil pour Créon qui se sent seul, très seul, à la fin de la pièce. Il quitte la scène en affirmant avoir l’impression d’être subitement vieilli par l’exercice du pouvoir.
III. PERSONNAGES PRINCIPAUX.
1. Antigone et Ismène.
Ce sont deux soeurs aux traits et tempéraments opposés, bien qu’étant très attachées l’une à l’autre. Antigone est laide tandis qu’Ismène est belle à ravir. L’une n’a qu’une idée fixe (enterrer son frère) alors que l’autre rêve d’amour et songe à sa toilette, au bal et à la belle vie. Antigone est brave et Ismène est peureuse. La nourrice aurait aimé échanger ces traits physiques et moraux pour avoir la paix.
2. La nourrice.
Après la mort de leur père et mère (Oedipe et Jocaste), c’est elle qui a assuré la garde de ces deux filles. Elle veille sur elles mais ne pourra empêcher le destin de se produire, malgré tous ses efforts et toute son autorité.
3. Créon.
C’est lui qui a été porté à la tête du pouvoir après la mort de son grand frère Oedipe. Il est donc l’oncle de ces deux filles (Antigone et Ismène) et des deux garçons (Polynice et Étéocle). Chose plus plus complexe encore : ce roi de Thèbes qui prétend exercer son pouvoir par une main de fer est aussi faible qu’un roseau. Lors de plusieurs tête-à-tête, il tente en vain de sauver sa nièce ou sa future belle-fille. Il promet même de tuer les gardes qui ont surpris Antigone dans son entreprise audacieuse.
4. Hémon.
C’est le prince, futur roi et futur époux d’Antigone qu’il aime passionnément. Malheureusement, il se révèle incapable de sauver sa bien-aimée. Le dernier acte symbolique ou sa plus grande preuve d’amour qu’il lui voue sera de la suivre dans la tombe où elle a été enterrée vivante.
5. Les gardes.
Ils sont les forces de l’ordre, les représentants de la loi. Leur rôle est donc d’exécuter les ordres du chef, même s’il faut, pour cela, être brutal. Ils apparaissent sur scène toutes les fois qu’Antigone récidive.
IV. PORTÉE ET SIGNIFICATION DE LA PIÈCE.
1. L’actualisation du mythe.
Cette histoire a déjà été écrite par Sophocle, un grand tragédien grec du XVI ème siècle. Anouilh a renouvelé ce mythe dans un tout autre objectif ; en effet, la France vivait pendant la seconde guerre mondiale sous l’occupation allemande. Deux choix s’étaient alors opposés. Les uns acceptaient de cohabiter avec l’ennemi tandis que les autres choisirent la résistance. Justement, A. N. T. I. G. O. N. E est l’incarnation de cette résistance. Rien que l’anagramme de son prénom la définit comme la « N. E. G. A. T. I. O. N » d’une loi humiliante à laquelle elle était incapable de se soumettre. Le dramaturge a préféré un personnage féminin comme la France et l’a vêtue de toutes les qualités requises dans un univers de violence absurde qui rappelle au spectateur le chaos dans lequel l’Europe se trouvait au moment de la création de la pièce.
2. Le style employé.
Anouilh a véritablement révolutionné le théâtre traditionnel en travestissant les règles qui le codifient. Il mêle avec aisance les genres dramatiques à tel point qu’on n’ose plus appeler la pièce une tragédie (car il y a tellement de scènes comiques), ni une comédie (étant donné que les personnages sont de sang royal), ni une tragicomédie (puisque l’histoire se termine par un bain de sang), mais plutôt un drame. En outre, le langage est retravaillé, modernisé à telle enseigne que les personnages, bien que d’origine antique, semblent très proches de nous. C’est pour cette raison que la nourrice est un personnage créé de toute pièce. Enfin, quand les gardes ou Ismène parlent par exemple, ils emploient un langage familier truffé du vocabulaire du XX ème siècle. Le décor, les costumes et les objets bénéficient à leur tour du même traitement (souliers, robes de soie, nounours, rouge à lèvres…)
CONCLUSION.
En conclusion, nous pouvons dire que la pièce est étonnamment moderne, dans le style comme dans le thème ,même si le sujet est emprunté à un dramaturge antique tel que Sophocle. Antigone fait partie de ces oeuvres qu’on lit et dont on a envie d’assister à la représentation ; tellement le langage est travaillé avec simplicité, tellement l’action théâtrale est bien enchaînée et tellement les personnages nous séduisent et nous émeuvent, qu’on finit par se demander pourquoi l’auteur n’a pas emporté un prix Nobel de littérature…