Nietzsche est connu comme celui qui a annoncé avec fracas, a la fin du siècle dernier : “Dieu est mort !”. Il y avait, dans cette formule, une dimension de provocation énorme : car après tout, Dieu en tant qu’il est Dieu est immortel ; s’il meurt, c’est qu’il n’était pas Dieu. Comment comprendre alors cette déclaration emphatique ? Faut-il y voir simplement un sens metaphorique qui équivaudrait a “les hommes ne croient plus en Dieu, c’est la foi qui a disparu” ? Nietzsche ne serait-il qu’un banal athée ? Le texte qui suit permet peut-être d’en décider autrement.
“L’insensé. – N’avez-vous pas entendu parler de ce fou qui allumait une lanterne en plein jour et se mettait a courir sur la place publique en criant sans cesse : “je cherche Dieu ! Je cherche Dieu !” Mais comme il y avait la beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, son cri provoqua un grand rire. S’est-il embarqué ? A-t-il émigré ? Ainsi criaient-ils et riaient-ils pêle-mêle. Le fou bondit au milieu d’eux et les transperca du regard. “Ou est allé Dieu ? S’ecria-t-il, je vais vous le dire. Nous l’avons tué, vous et moi ! C’est nous, nous tous, qui sommes ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ?” […] La grandeur de cet acte est trop grande pour nous. Ne faut-il pas devenir dieux nous-mêmes pour, simplement, avoir l’air digne d’elle ? Il n’y eut jamais action plus grandiose et, quels qu’ils soient, ceux qui pourront naître après nous appartiendront, a cause d’elle, a une histoire plus haute que, jusqu’ici, ne fut jamais aucune histoire !”
Nietzsche, Le Gai savoir (1882), aphorisme numéro 125, trad. A Vialatte, coll. “Idée”, Gallimard, Paris, 1950, pp. 169-170
Le texte se présente comme une fable qui met en scène la confrontation d’un individu et d’une foule. Le personnage ne prononce pas directement la mort de Dieu, mais annonce simplement qu’il est en quête de Lui. Cette recherche provoque auprès de l’assemblée des incroyants l’hilarite générale : eux savent bien et depuis longtemps que Dieu n’existe pas… C’est alors que le fou, provoquant la stupéfaction générale. Se retourne pour dire : si Dieu n’existe plus, c’est que nous l’avons tué. Nietzsche signifie par la que, dans nos sociétés modernes, la disparition de Dieu comme horizon de nos pratiques et de nos pensées, ne doit pas être comprise comme le simple effacement (qui au fond, ne nous affecte pas tellement) d’une idole, mais comme un événement qui engage de fond en comble notre condition d’homme.
La mort de Dieu signifie la perte brutale de toutes nos valeurs traditionnelles (le juste, le vrai, le bon…), la destruction soudaine de tous nos repères. C’est pourquoi l’insensé a besoin d’une lanterne allumée pour avancer : l’effondrement du Dieu a plongé le monde dans l’obscurité (que faire désormais ? Qui croire ? Ou aller?). C’est l’histoire de l’humanité toute entière qui se trouve ainsi bouleversée : afin que la réaction de l’homme soit a la mesure de l’événement, il devra se dépasser lui-même, se redéfinir, se réinventer.
Que pensez-vous donc de l’assertion de Nietzsche :” Dieu est mort” ?
”L’éducation notre priorité”