L’ADMISSIBILITÉ DES PROCÉDÉS DE PREUVE

La preuve des droits subjectifs soulèvent notamment la question suivante : Comment prouver ? C’est le problème des procédés de preuve déterminés par la loi, c’est-à-dire la manière dont doit se faire la preuve
Pour déterminer les procédés de preuve admis par le droit, il faut au préalable analyser la nature de la prétention émise par le demandeur, celui sur qui pèse la charge de la preuve : que veut-il prouver ? En effet, nous verrons que notre droit n’admet pas tous les procédés de preuve
Domat a pu écrire : “La preuve, c’est tout ce qui persuade l’esprit d’une vérité”. Dès lors, on aurait pu concevoir que le droit admette tous les modes de preuve envisageable quel que soit la circonstance dont le demandeur invoque l’existence. Or, dans notre droit, tous les modes de preuve ne sont pas également admissibles : il existe une certaine hiérarchie entre eux. Certains s’imposent au juge, d’autres laissent au juge sa liberté d’appréciation.
Notre droit a donc adopté un système mixte en matière de preuve. Dans certaines hypothèses, la preuve est légale. Cela signifie que le législateur et non le juge apprécie la valeur des procédés de preuve. Dans d’autres hypothèses, la preuve est libre, c’est-à-dire que le juge apprécie en conscience si le fait est ou non prouvé.


Cette opposition se traduit par deux systèmes de procédés de preuve . Le système de la preuve légale correspond à la preuve des actes juridiques ; tandis que le système de la preuve libre correspond à la preuve des faits juridiques.
Pour connaître les procédés de preuve admis par le droit, il faut examiner la nature de la prétention de celui sur qui pèse la charge de la preuve : Veut-il prouver un acte ou un fait juridique ? Cette distinction entre actes et faits juridiques (I) est donc fondamentale pour déterminer les règles de la preuve. Nous verrons, en effet, que les actes juridiques (II) ne se prouvent pas comme les faits juridiques (III).
I. – La distinction des actes et des faits juridiques
Elle repose sur une distinction sur les circonstances d’après lesquelles une personne se prétend titulaire d’un droit. La classification que nous allons maintenant étudier est fondée sur la volonté ou l’absence de volonté de ceux qui créent le droit. Toute personne peut en principe, modifier sa situation juridique. L’acte de volonté par lequel une personne va modifier sa situation juridique, est un acte juridique (A). Sa situation juridique peut se modifier en dehors sa volonté ou même contre sa volonté. Cette modification résulte alors de la survenance d’un fait juridique (B).
A – Les actes juridiques
-L’acte juridique est une manifestation de volonté destinée à modifier une situation juridique, à produire des effets de droit. Ces effets de droit sont la création, l’extinction ou la transmission d’un droit subjectif. Nous n’envisagerons ici que les différentes classifications des actes juridiques.
-Lorsqu’un acte juridique est la manifestation de la volonté d’une seule personne, on l’appelle acte unilatéral. Une personne peut modifier seule sa situation juridique mais ne peut, de sa seule volonté modifier la situation juridique d’un tiers.
L’occupation, l’abandon d’une chose. La personne, par sa seule volonté, devient propriétaire ou perd son droit de propriété. Le testament est aussi un acte unilatéral. C’est l’acte juridique en vertu duquel le testateur règle sa succession pour le temps où il ne sera plus, en faisant échec aux règles de la dévolution légale. Seule la volonté du testateur intervient ; celles des légataires n’est pas requise au moment de la rédaction du testament : ils peuvent d’ailleurs en ignorer l’existence. Puisqu’il s’agit d’un acte unilatéral, les légataires, visés par le testament, peuvent refuser le legs. On peut également citer la reconnaissance d’un enfant naturel, qui est un acte juridique unilatéral de nature extrapatrimonial.
On se pose la question de savoir si un acte juridique unilatéral peut être générateur d’obligations. Il est bien certain qu’une personne ne peut de sa seule volonté créer une obligation à la charge d’un tiers. Mais on peut se demander si une personne peut de sa seule volonté, créer à une obligation au profit d’un tiers. C’est l’engagement unilatéral de volonté qui suscite un débat doctrinal. La jurisprudence admet quelques hypothèses d’engagement unilatéral (offre).
-Lorsque l’acte juridique entraîne la modification juridique de plusieurs personnes, toutes ces personnes doivent donner leur accord de volonté. Cet acte juridique, accord de volonté de plusieurs personnes, est appelé convention. C’est un terme générique. Le contrat est une espèce particulière de convention. Le contrat, c’est l’acte juridique plurilatéral créateur d’obligations. Les autres actes juridiques, qui ont pour but de modifier ou d’éteindre une obligation sont des conventions. Il faut cependant remarquer qu’en pratique et même dans le Code civil, on emploie indifféremment le terme convention ou contrat.
B – Les faits juridiques
-Il y a fait juridique lorsque l’événement a crée, transmis ou éteint un droit sans qu’une personne ait voulu ce résultat. Le fait juridique peut être un fait naturel, c’est-à-dire l’œuvre de la nature : un décès, la maladie, etc… Ce fait naturel va produire des conséquences juridiques : naissance de prérogatives, extinction de droits, etc… Le fait juridique peut être le fait de l’homme, c’est-à-dire l’œuvre de l’homme. Celui qui commet une maladresse et blesse quelqu’un, a accompli un fait juridique. Il n’a pas voulu cet événement et les conséquences juridiques.
Même si l’événement est intentionnel (ex. meurtre ou assassinat), il s’agit toujours d’un fait juridique parce que son auteur n’a pas voulu les conséquences juridiques (obligation d’indemniser, sanctions pénales). Et quand bien même les aurait-il voulu, ce n’est sa volonté qui est la source de ses conséquences juridiques mais bien la loi qui est la seule source du droit subjectif dont va être titulaire la
victime de ce fait juridique.
-Cette classification des actes et faits juridiques a une importance capitale, surtout dans le domaine de la preuve, car la qualification de l’événement détermine directement le régime de la preuve.
II. – La preuve des actes juridiques
-Il convient ici de distinguer la preuve de l’existence d’un acte juridique (A) et la preuve contre l’écrit qui constate un acte juridique (B).
A – Preuve de l’existence d’un acte juridique
-Rappelons qu’un acte juridique est une manifestation de volonté ayant pour but de la création, la modification ou l’extinction d’un droit. Il s’agit d’un acte réfléchi, pensé. Dès lors, au moment de sa naissance, il est tout à fait possible de consigner cet acte juridique par écrit afin d’en conserver la preuve. Il est tout à fait possible de préconstituer un écrit, de se ménager une preuve. Cette circonstance explique la sévérité du législateur qui interdit la preuve des actes juridiques par un mode de preuve imparfait, considérés comme dangereux. Dès lors, la règle est que les actes juridiques se prouvent par une preuve parfaite. C’est le sens de l’article 1341 alinéa 1er du Code civil.
-Il convient de rappeler qu’il ne s’agit que d’une règle de preuve. Cela ne concerne pas la validité des actes juridiques qui n’est soumise à aucune condition de forme, donc pas à la rédaction d’un écrit. Cela ne concerne pas non plus l’interprétation de l’acte juridique. Si celui-ci est obscur, le juge peut avoir recours, par exemple, au témoignage pour déterminer ce que les parties ont réellement convenu. Aussi paradoxalement, l’écrit n’est pas une condition de validité de l’acte juridique mais une nécessité quant à sa preuve. On dit que l’écrit n’est exigé que ad probationem et non ad solemnitatem . Il faut noter une expression qui peut parfois prêter à confusion : le terme “acte”. En effet, on peut remarquer qu’il est employé dans l’article 1341 mais dans le sens “d’écrit”. Il faut prendre garde à ne pas confondre le terme “acte” dans le sens de l’acte juridique, manifestation de volonté, le négotium avec le terme “acte” dans le sens de l’écrit,
l’instrumentum .
-Il faut noter que cette règle ne concerne pas les tiers. S’il s’agit pour eux de prouver une convention à laquelle ils sont étrangers, ils peuvent utiliser tous modes de preuve. La convention constitue pour eux un fait juridique, pouvant se prouver par tous moyens.
-Cette règle selon laquelle les actes juridiques ne se prouvent que par une preuve parfaite souffre d’un certain nombre d’exceptions qui sont au nombre de 6. Si l’une des ces exceptions trouve application, le demandeur pourra prouver l’acte juridique en ayant recours à une preuve imparfaite, plus facile à administrer.
-Première exception :
Le principe de la preuve parfaite pour un acte juridique est écarté lorsqu’il s’agit de prouver un acte dont le montant est inférieur ou égal à 1500 €. Cette somme a été fixée par un décret du
15 juillet 1980. La somme doit donc être réévaluée périodiquement. Mais elle n’a pas été modifiée depuis.
Lorsque l’acte juridique concerne des affaires de moindre importance, l’usage n’est pas de constater cet acte par écrit. Cette formalité constituerait un important obstacle aux échanges économiques s’il fallait constater tous les accords par écrit. Les actes juridiques portant sur une somme inférieure ou égale à 1500 €. se prouvent par tous moyens. Si l’objet du litige est une prestation indéterminée en valeur, la preuve par écrit est toujours requise.
Il peut se poser des problèmes d’évaluation de l’objet en cause, notamment lorsqu’il ne s’agit pas directement d’une somme d’argent, mais d’une chose dont il faut apprécier la valeur. Dans ce cas, il appartient alors au demandeur de l’évaluer. Mais il sera lié par cette évaluation. En effet, l’article 1343 précise que « celui qui a formé une demande excédant le chiffre prévu à l’article 1341, ne peut plus être admis à la preuve testimoniale, même en restreignant sa demande primitive ». Enfin si l’objet du litige est une prestation indéterminée en valeur, la preuve par écrit est toujours requise.
-Deuxième exception :*
L’article 1347 du Code civil prévoit une exception à la règle de la preuve parfaite de l’acte juridique lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit. Les rédacteurs du Code civil en donnent une définition à l’alinéa 2 : “On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué”. Ce texte exige la réunion de 3 éléments.
-Un écrit : Il ne s’agit bien sur pas d’un écrit constatant l’accord de volonté puisque sinon, il suffit à prouver l’acte juridique. Il s’agit d’un commencement de preuve. N’importe quel écrit peut être considéré comme un commencement de preuve par écrit : il peut s’agir de lettres missives, de papiers domestiques, de livres de comptes, d’un projet d’acte, d’un chèque, etc…. Tout écrit, même s’il n’avait pas été utilisé à titre de preuve. On peut aussi inclure dans cette catégorie l’écrit qui avait pour but de constater l’acte juridique mais dont le vice de forme l’empêche d’être pleinement probant. Cet acte inefficace à titre de preuve parfaite peut néanmoins constituer une preuve imparfaite. La jurisprudence a entendu cette notion de commencement de preuve par écrit de façon de plus en plus extensive. Elle a, par exemple, considéré que les paroles prononcées par le défendeur au cours d’une comparution personnelle et consignée par le greffier, pouvaient s’analyser comme un commencement de preuve par écrit. Cette solution jurisprudentielle a été consacrée par le législateur en 1975 et figure à l’alinéa 3 de l’article 1347 qui prévoit même que le refus de répondre pourra s’analyser comme un commencement de preuve par écrit. On peut d’ailleurs noter une certaine contradiction entre l’alinéa 1er et l’alinéa 3 puisque le premier que le commencement par écrit “existe” alors que l’alinéa 3 implique une naissance de l’écrit au moment du procès (Mazeaud et Chabas).
Certains juges ont même retenu comme étant un écrit, constituant un commencement de preuve, l’enregistrement de paroles sur un magnétophone.
-L’écrit doit émaner de celui contre lequel le demande est formée (et non de celui qui s’en prévaut), ou de celui qui le représente. La jurisprudence admet aussi que l’écrit émane de celui a été mandaté. Mais elle a refusé de considéré l’écrit émanant de l’avocat de celui contre lequel on veut prouver l’acte juridique. Cette condition est très importante, car si on admettait comme commencement de preuve l’écrit émanant d’un tiers, cela reviendrait à admettre le témoignage pour prouver un écrit.
-Un écrit rendant vraisemblable le fait allégué : Il faut donc que cet écrit soit pertinent, qu’il rende vraisemblable l’existence de l’acte juridique. Ainsi, on peut imaginer une lettre missive par laquelle l’emprunteur sollicite des délais pour le remboursement ou remercier le prêteur, etc…
Il faut, en dernier lieu, que cet écrit ne prouve pas : il constitue seulement un commencement de preuve. La Cour de cassation interdit au juge de se contenter de ce seul élément. Le commencement de preuve par écrit rend admissibles les procédés imparfaits de preuve, tel le témoignage. Le commencement de preuve doit donc être complété par d’autres éléments. Il ne suffit pas à lui seul.
-Troisième exception :
Les copies. Au moment de la rédaction du Code civil, les copies, telles qu’elles étaient réalisées à l’époque, à la main, ne méritaient pas grand crédit. Le copiste était souvent un simple particulier et rien ne garantissait la conformité de son œuvre à l’original. Mais l’évolution des techniques de reproduction des documents -carbone, photocopie, informatique, …- a nécessité une réforme en profondeur du système probatoire.
Elle était nécessaire en raison notamment des pratiques de conservation des chèques par les banques. En effet, dans la nécessité d’en conserver la trace alors que leur stockage devenait irréaliste, on a pris l’habitude de reproduire les chèques sur microfilms avant de les détruire. Mais de ce fait, les banques et leurs clients ne pouvaient plus produire que des copies sans original à l’appui. La loi du 12 juillet 1980 a opéré cette réforme.
Mais elle est restée prudente car on s’est méfiée des techniques pouvant permettre truquages et falsifications. Elle n’a pas voulu qu’une pleine force probante soit accordée aux simples copies d’actes sous seing privé. Dès lors, les copies d’actes sous seing privé, mêmes certifiées conformes à l’original, qui étaient, avant 1980, dénuée de toute valeur probante, ont acquis une valeur probante autonome. Néanmoins, elles ne suffisent pas à démontrer l’existence de l’acte juridique. Cependant, la loi reconnaît un certain effet probatoire aux copies à certaines conditions :
-Il faut en premier lieu qu’une partie ou le dépositaire n’ait pas conservé l’original. L’original doit avoir disparu et cette disparition doit être prouvée.
-En second lieu, il faut que la copie soit fidèle et durable. La loi, dans l’article 1348 tente de définir ces caractéristiques : “Est réputée durable, toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une modification irréversible du support”. Il s’agit de s’assurer que la copie n’est pas susceptible de falsification. La loi a pensé, en premier lieu, au microfilm. Mais la photocopie en est un autre exemple, on peut aussi songer au carbone ou au fax (mais problème la télécopie peut être manipulée dans la date qu’elle affiche).
En l’état actuel de la science, rien ne permet d’affirmer qu’une copie est l’exacte réplique de l’original, sauf si la copie est certifiée conforme à l’original. Et même dans ce cas, quelle est la valeur de la conformité : elle est celle d’un témoignage.
Si la loi du 12 juillet 1980 a accordé une certaine valeur probatoire aux copies, encore faut-il savoir laquelle. Certains auraient voulu que la copie vaille l’original, quand bien même celui-ci ne pourrait être produit. Le législateur n’a pas voulu aller aussi loin. Il s’est contenté d’affirmer que la copie fidèle et durable, sans valoir l’original, rendait recevable, dans un système de preuve légale, la présomption ou le témoignage. Or, c’était s’arrêter en chemin. En effet, en vertu de l’art. 1347 (commencement de preuve par écrit), la Cour de cassation a donné un effet identique à toutes les sortes de copies, que la copie soit fidèle et durable ou non. En effet, la Cour de cassation admet, en cas de commencement de preuve par écrit, la recevabilité de la preuve complémentaire par témoignages ou présomptions. Par un arrêt du 14 fév. 1995 (J.C.P. 1995-II-22402, note Chartier), elle a décidé qu’une photocopie constitue un commencement de preuve par écrit. Une valorisation de la copie fidèle et durable, pour le rendre équivalente à l’original, est sans doute nécessaire. Par un arrêt récent, la
Cour de cassation semble vouloir aller en ce sens. Elle a reconnu (Com., 2 déc. 1997) une pleine force probante à la télécopie « dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées ou ne sont pas contestées ». La doctrine est divisée sur la portée de cette décision.
-Quatrième exception
L’impossibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique. Cette nouvelle rédaction résulte de la loi du 12 juillet 1980. L’hypothèse d’une impossibilité purement “matérielle” n’a jamais reçu d’application en jurisprudence et on ne voit les situations qu’elle recouvre. L’ancien texte citait l’exemple des dépôts faits par les voyageurs dans les hôtelleries mais il faut relever qu’il n’y a aucune impossibilité matérielle de se préconstituer un écrit. Il n’y a qu’une impossibilité morale. Aussi est-ce l’impossibilité morale de se préconstituer un écrit qui suscite une jurisprudence abondante car cette notion est entendue de façon assez large. L’impossibilité morale résulte de relations de famille, d’affection, de subordination entre les parties, de pratiques professionnelles ou d’usages commerciaux (vente de produits de luxe). Les exemples sont multiples en jurisprudence. Il a été décidé qu’il y a impossibilité morale pour un fils d’exiger un reçu de sa mère, ou pour un frère à l’encontre de sa sœur, ou encore de se préconstituer un écrit entre fiancés (lien de parenté et d’alliance). De même, il y a impossibilité morale pour un médecin d’établir par écrit ses visites. La même solution a été admise dans les rapports de maître à serviteur. On peut se demander si l’impossibilité morale existe entre simples amis ou entre concubins. Les auteurs ont des positions variées mais il semble qu’il n’existe aucune réponse absolue et qu’il convient, in concreto, dans chaque cas, d’examiner la réalité de l’affectation unissant les intéressés. La jurisprudence apprécie de façon assez large cette notion d’impossibilité morale. C’est à celui qui se prévaut de cette impossibilité morale d’en apporter la preuve. Là encore, s’il y a impossibilité de se préconstituer un écrit, les parties sont admises à prouver l’acte juridique par tout moyens.
-Cinquième exception :
Perte de l’écrit constatant l’acte juridique. L’article 1348 prévoit à la fin du premier alinéa, la perte du titre qui lui (à l’acte juridique) servait de preuve littérale, par suite d’un cas fortuit ou d’une force majeure. Il faut établir l’existence préalable de l’écrit. Mais, il ne suffit pas que l’écrit ait été perdu. Cette perte doit être due à un événement de force majeure, c’est-à-dire un événement imprévisible et irrésistible dont il faudra prouver l’existence (ex. incendie accidentel de l’immeuble dans lequel était conservé le document).
Il faudra également prouver l’existence antérieure du titre détruit par cas fortuit. Si la perte de l’écrit par cas fortuit est démontrée, la preuve pourra se faire par tous moyens.
-Sixième exception :
Les opérations commerciales entre commerçants. Les caractéristiques de la vie des affaires rend impossible une exigence formaliste, même si elle est limitée à la preuve. La rapidité des opérations commerciales rend impossible la rédaction d’un écrit constatant cette opération. De nombreuses opérations commerciales ou financières sont conclues par téléphone, oralement. La preuve des opérations commerciales est donc libre, peut donc se faire par tout moyen. Il faut cependant préciser que l’article 109 du Code commerce, modifié par la loi du 12 juillet 1980, qui pose en principe cette liberté de la preuve, précise cette règle ne joue “qu’à l’égard des commerçants”. Dès lors, la jurisprudence en a déduit que s’il s’agit d’un acte mixte, c’est-à dire conclu entre un particulier et un commerçants (ex. : vente entre un commerçant et un client civil), la preuve est libre à l’égard du commerçant mais doit se faire par preuve parfaite à l’égard du civil. Le régime de la preuve va donc dépendre de la qualité de personne commerçante ou civile de celui contre lequel la preuve est apportée. Si le demandeur à la preuve est commerçant, il devra rapporter une preuve littérale ; si le demandeur à la preuve est civil, il pourra tenter de convaincre le juge par tous moyens. Le législateur est intervenu pour exiger la preuve par écrit de certains contrats commerciaux spécifiques. Il en est ainsi du contrat de société, du contrat d’assurance.
B – Preuve contre l’écrit qui constate l’acte juridique
-On suppose que le plaideur se trouve confronté à un acte juridique constaté par écrit ou dont la preuve a été faite par un commencement de preuve par écrit complété par une autre preuve. Peut-il apporter une preuve contre et outre le contenu de l’acte juridique ? L’article 1341 du Code civil précise : “il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre” (c’est à dire inférieure à 1500 €.) Celui qui voudrait donc démontrer que l’écrit est inexact ou incomplet ou a été modifié depuis par un autre acte juridique, devra se servir d’un procédé de preuve parfait.
-La première exception relative à la valeur de l’acte juridique est expressément écartée par la loi. On peut dès lors se demander s’il ne convient pas d’écarter les autres exceptions. La jurisprudence a admis les autres exceptions, tant celles relatives à la commercialité des relations, que l’impossibilité d’établir un écrit ou encore le commencement de preuve par écrit. Seule la première exception est écartée.
C. Les conventions sur la preuve
-La jurisprudence a affirmé le caractère d’ordre privé des règles de preuve. Ainsi, la Cour de cassation a admis que les parties au contrat puissent accorder valeur probatoire au document, pourtant dénué de toute signature, résultant d’une transaction relative à l’utilisation d’une carte bancaire de paiement, dès lors que le client avait composé son code confidentiel (Com. 8 nov. 1989 (deux arrêts), D. 1990-369, note Ch. Gavalda ; J.C.P. 1990-II-21576, note G. Virassamy).
-Le législateur a repris cette solution à l’occasion du vote de la loi sur la preuve électronique. Il résulte, en effet, de l’article 1316-2 du Code civil que les règles sur la preuve peuvent faire l’objet d’un aménagement conventionnel. Les règles de preuve ne sont donc pas d’ordre public : elles ne s’imposent pas aux parties qui peuvent y déroger par conventions. La question a été vivement discutée en doctrine. La jurisprudence a décidé que pourvu que les conventions sur la preuve ne touchent pas à l’organisation judiciaire ou à la définition légale des pouvoirs des officiers publics, les parties sont libres d’aménager le régime probatoire, tout comme elles peuvent disposer de leurs droits.
-Les parties peuvent librement déroger aux règles d’admissibilité de la preuve et prévoir que la convention établie pourra se prouver par tous moyens ou par d’autres modes. En pratique, les conventions sont une limite très importante aux exigences probatoires relative aux actes juridiques. Il n’est d’ailleurs pas certain que cette liberté soit au-dessus de toute critique, dans la mesure où la preuve littérale peut avoir pour fonction de protéger la partie contractante faible, contrainte d’adhérer aux conditions imaginées par le cocontractant puissant. On prive alors la partie faible de la protection que constitue la preuve légale.
III. – La preuve des faits juridiques
-Nous rappelons qu’un fait juridique est un événement qui peut survenir de façon soudaine ou inattendue. Les intéressées n’ont pas pu rédiger un écrit pour constater l’événement. La preuve écrite est peu concevable pour les
faits juridiques. Aussi le législateur a prévu une quasi-liberté du juge pour fonder sa conviction. Pour les faits juridiques, la preuve est libre. (article 1348). Tous les procédés de preuve sont inadmissibles.