Le doute

*La position sceptique ou le doute comme demi-echec*

En ce qui concerne la connaissance sensible, l’homme doit reconnaître l’imperfection de ses sens : mirage dans le désert, expérience du bâton brisé de Descartes, etc. Les sens nous trompent. Dés lors, l’incertitude caractérise les conclusions que pourrait tirer la raison des sens. De même, on est contraint de reconnaître que les opinions à travers le monde sont en contradictions, s’opposent les unes aux autres. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » comme l’exprimant Pascal dans ses Pensées. Que ce soit en s’appuyant sur l’imperfections de nos sens ou en soulignant la contradiction des opinions, le doute semble s’imposer dans notre saisie du monde et dans l’accès à la connaissance.

Outre ces raisons externes, on peut également avancer une raison interne pour être conduit au doute dans l’accès à la connaissance. En effet, la vérité d’une conclusion dépend des prémisses. Mais chaque prémisses repose elle-même sur une démonstration, et ce, à l’infini : « Prouve ta preuve ». Et si l’on admet des vérités premières, quelles sont les fondements rationnels de celles-ci : pourquoi s’arrêter à ces fondations et ne pas continuer à l’infini ?

Bref, le doute semble bel et bien un défaut de la raison elle-même dans sa quête de la connaissance et de la vérité. La raison échoue : comment ne pas douter ? Comment ne pas tomber dans le relativisme ? Les opinions s’opposent, se succèdent ; la vérité scientifique évolue avec le temps. Mais mieux vaut le doute que l’erreur ou l’ignorance. En un sens, seule l’erreur est un réel échec de la raison. En tombant dans l’erreur, l’homme trouve le faux alors qu’il cherchait la vérité : c’est un échec par excellence. Avec le doute, l’homme ne se prononce pas, il se tient sur la réserve : c’est une sorte de demi-échec. Au moins, le sceptique sait qu’il ne sait pas, d’où sa suspension du jugement.

*Le doute comme étape pour accéder à la vérité*

Mais on peut accepter une autre perspective sur le doute. N’est-ce pas en doutant d’une chose, d’une théorie, d’un discours que l’on se met véritablement en chemin vers la fondation du savoir ? Le doute méthodique semble bien être la voie même du savoir. Grâce au doute, il est possible d’établir des certitudes. Dans l’oeuvre de Descartes, on voit ainsi l’argument du rêve arriver à la certitude des mathématiques et des natures simples. Dans le cartésianisme, le doute hyperbolique (douter de tout) est l’arme par excellence de la raison pour lutter contre les croyances naturelles et accéder à la connaissance scientifique. Par le doute, on interroge la condition de possibilité de toute représentation.

Dans cette optique, le doute devient donc une étape, tout autant qu’un outil, voire une arme dans la recherche de la vérité. Loin d’être un échec, le doute devient le moyen d’atteindre le but de la raison : la connaissance et la vérité. Par le doute, la raison assoit fermement ses jugements et accède à la certitude.

*Le doute comme moteur de la raison*

A l’opposé de la position initiale, le doute n’est donc pas un échec mais l’allié précieux de la raison. La raison, c’est la capacité de réfléchir sur ses propres opinions, de les remettre en cause. On voit donc apparaître le lien très fort, indissociable et positif tissé entre la raison et le doute. Etre doué de raison, c’est faire preuve d’esprit critique. Est-ce que ce qui m’apparaît certain aujourd’hui l’est réellement ? Sans tomber dans le doute hyperbolique qui ne peut mouvoir que le seul philosophe et les fans de science fiction, il convient de reconnaître au doute toute sa valeur positive.

Finalement, raisonner revient à douter. N’est-ce pas d’ailleurs dans le doute que siège la philosophie ? S’étonner des choses, prendre du recul par rapport à ce qui nous entoure (idées, objets, théories…). En commençant à douter, l’homme franchit la première étape de la philosophie.
Conclusion

Le doute, conçu comme échec de la raison, paralyse celle-ci : le doute, en ce sens, empêche la raison de prendre parti après réflexion. Mais le doute s’avère être l’outil essentiel de la raison. Mieux, la raison et le doute ne font qu’un. Le doute peut être défini comme la raison en acte.