Bien après la seconde moitié du XIX ème siècle français, un courant littéraire est né pour succéder au Parnasse : le symbolisme.
Ce nom de baptême nécessite un petit commentaire pour en comprendre le sens. Étymologiquement parlant, durant la Grèce antique, pour former ou matérialiser une relation (amicale, amoureuse, matrimoniale, parentale, nationale…), les gens avaient le pli (l’habitude) de s’échanger une poterie brisée (le ”symbôlon”) dont chacun gardait une partie.
Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé… en sont les auteurs incontournables. Trois principes fondamentaux sous-tendent ce mouvement littéraire.
PRINCIPE 1 : UNE ENTREPRISE DE SIGNIFICATION.
Le réel qui environne l’humanité est peuplé de signes qui nous parlent dans un langage codé mais, hélas, inaudible, imperceptible pour le commun des mortels. Seul un oeil averti, un esprit observateur, une attention particulière portée sur les objets, en un mot un illuminé comme l’artiste, le poète, est capable d’en comprendre le sens profond sous la structure de surface. Combien de fois le sens commun observe-t-il les étapes d’évolution d’un arbre fruitier par exemple (semaille, germination, arborescence, bourgeonnement, défeuillaison, fin)? S’est-on toujours demandé à quoi ces étapes successives ressemblent-elles ? N’est-ce pas pareil à l’évolution de l’homme (spermatozoïde, naissance, jeunesse, reproduction, vieillesse, mort)?
Les symbolistes sont alors absolument convaincus que le rôle de l’artiste consiste à découvrir (au sens propre comme au figuré), au grand bonheur des hommes, le sens caché des objets qui nous entourent. Voilà pourquoi ils utilisent les figures de substitution telles que la comparaison, la métaphore, la périphrase, l’allégorie… pour représenter les lignes arrière, montrer les arbres que cache la forêt. C’est aussi pour toutes ces raisons que Baudelaire disait dans un de ses poèmes des Fleurs du Mal (1857) intitulé ”Correspondances” :
”La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers”.
PRINCIPE 2 : UN COCKTAIL DE COURANTS
J’ai une fois vu la publication d’un internaute à propos de la différence physique entre les femmes. L’internaute disait que ces dernières ont l’apparence de la diversité des fruits : il y en a, en effet, qui sont vertes, jaunes, oranges, rouges… Le plus drôle, c’est quand, après avoir juré qu’elles sont toutes merveilleuses, il a regretté le comportement de certains hommes infidèles qui préfèrent, malgré tout, le cocktail, la salade de fruits. (Mdr !)
Justement, le symbolisme est un cocktail, par rapport aux écrivains français qui les ont précédés dans le temps et dont j’avais énoncé les principes (les classiques, les romantiques, les réalistes et les naturalistes, les parnassiens).
Ainsi, en comparaison avec les premiers, les symbolistes partagent le souci du texte bien écrit, mais l’inspiration n’est pas forcément antique. Ces écrivains sont également sentimentaux comme les deuxièmes ; toutefois, leur projet d’écriture ne consiste à s’épancher. Les symbolistes sympathisent avec les troisièmes en s’inspirant certes du réel (beau ou laid) mais le choix du roman exclusif est contestable. Enfin, les écrivains acclament la pureté du style prônée par les quatrièmes ; en revanche, ce culte du beau ne doit pas être seulement perçu par rapport à l’objet ou à l’objectif de l’activité créatrice.
PRINCIPE 3 : DIFFÉRENCES DE CONCEPTION ENTRE SYMBOLISTES.
Voici une génération d’écrivains avec des différences de conception du texte littéraire. En d’autres termes, ils ambitionnent tous de passer par la représentation des objets pour aboutir à l’idée mais même si l’approche est assez identique, la conception du texte diffère quelque peu.
Ainsi, la poésie des uns est assez explicite. L’objet représenté de long en large, de sa structure de surface à sa structure profonde, aboutit à une signification exprimée par l’auteur généralement à la chute (à la fin du poème). C’est bien ce que nous remarquons dans ”L’Albatros” de Baudelaire ou encore dans ”Le dormeur du val” de Rimbaud. Dans le premier poème, l’auteur révèle que ”le poète est semblable au prince des nuées” (l’oiseau) ; dans le second, l’artiste montre combien le sommeil et la mort sont apparentés, à l’instar de ce soldat qui a ”deux trous rouges au côté droit”.
Néanmoins, la poésie des autres reste hermétique parce que, pour eux, pour qu’un signe conserve toute sa splendeur, il doit le demeurer. Il appartient donc au lecteur de faire un effort d’interprétation pour saisir tout le sens de l’objet représenté de façon implicite. C’est pour cette raison que Mallarmé disait : ”toute chose sacrée qui veut demeurer sacrée s’enveloppe de mystères”.
LE MOT DE LA FIN.
Somme toute, le symbolisme est le courant littéraire qui a réussi à synthétiser tous les modèles de pensées et d’écriture des générations précédentes.
En revanche, il a fait l’objet de critiques car certains qualifiaient les écrivains qui s’adonnaient à cette forme de littérature comme des gens qui encouragent la jeunesse au vice (drogue, sexualité, fugue, déviances, alcoolisme dont les mérites sont souvent vantés). Pour preuve, interprétons le titre du recueil poétique de Baudelaire (Les Fleurs du Mal).
Pourtant, ces écrivains restent persuadés qu’ils promettent au monde une délivrance prométhéenne à la limite, en sortant l’humanité des ténèbres pour la mener vers la lumière. D’ailleurs, des écrivains du siècle suivant porteront encore ce flambeau : les surréalistes.